20/02/07
13h50
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Un
terrible accident entre François Goffin, à
vélo, et un camion survient dans le village de Rhisnes.
Le camion lui écrase les jambes après avoir
refusé une priorité de droite. Le service
d'urgence est appelé et François est transporté
dans la clinique Sainte-Elisabeth dans la demi-heure qui
suit. |
(1) |
20/02/07
14h32
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Le
médecin urgentiste (Dr B.) qui accueille François
lors de l'admission aux urgences est un stagiaire. Il minimise
manifestement la gravité de la situation, si on considère
qu'il ne verra son patient qu'une fois, dans l'après-midi
et consultera l'orthopédiste uniquement par téléphone
; il prescrira une analyse de sang à l'arrivée
de François mais les indicateurs perturbés
ne susciteront pas d'autre action de sa part que l'administration
d'antalgiques pour traiter les terribles douleurs |
(2) |
20/02/07
15h00 |
L'orthopédiste
de garde, occupé à opérer du matin
au soir, fera admettre François dans son service
sans aller le voir. Il quittera ensuite la clinique le soir
sans voir François et sans même consulter son
dossier médical. |
(3) |
20/02/07
23h50 |
François
laissé, dans ces conditions, pour la nuit dans une
chambre du service d'orthopédie, fait un arrêt
cardiaque 10 heures après son admission. Les soins
intensifs interviennent, le réanime et font des examens
approfondis. La réanimation par le service des soins
intensifs est enfin le point de départ (tardif) de
la prise en charge car 11 heures se sont écoulées
quand le médecin intensiviste découvre un
crush syndrome installé, une hyperkaliémie,
un blocage des reins, une insuffisance hépatique,
un syndrôme des loges,... |
(4) |
Du
20 au 28/02/07
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Des
tentatives désespérées de maîtriser
l'évolution du crush syndrôme sont entreprises
durant une semaine. Après 7 jours, François
décédera de défaillances plurisystémiques.
Les docteurs A. et B., primo-intervenants, ne viendront
jamais s'expliquer ni s'excuser quant à leur absence
de prise en charge qui a conduit à enlever à
François toute chance de survie... |
(5) |
1/03/2007
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S'appuyant
sur une plainte des parents, le parquet de Namur demande
à un médecin expert d'examiner le corps sans
vie de François. Sur base de cet avis médical,
le parquet met ce dossier de mort suspecte à l'instruction;
les parents se joignent à la plainte en se constituant
partie civile à l'encontre des Dr A (orthopédiste)
et B (urgentiste) et de la clinique pour homicide involontaire
et non-assistance à personne en danger. |
(6) |
2007-2013
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Une
instruction amorphe et interpellante s'en suivra durant
six ans: les devoirs importants devront être réclamés
par la partie civile à de multiples reprises, le
juge d'instruction affichera à plusieurs reprises
une proximité intolérable avec le frère
du Dr A. (dont, notamment, lors d'un voyage privé
au Togo en 2008), etc… |
(7) |
23/06/2010
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Au
vu de cette instruction lamentable, une première
demande visant la mise sous tutelle de l'instruction sera
initiée en juin 2010 par les parents devant la chambre
des mises en acccusation de Liège. La décision
de cette Cour, émise sans même entendre en
audience les arguments des plaignants, confortera le magistrat
dans son attitude, en ne trouvant rien à redire au
travail du juge... au contraire. |
(8) |
oct-2010
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En
octobre 2010, une autre action, en récusation...cette
fois, est diligentée à l'encontre du magistrat
instructeur, devant la Cour d'Appel de Liège avec
toujours pour motifs la proximité du juge Olivier
avec le frère du Dr A, et l'absence d'initiative
du juge (22 devoirs ont dû être demandés
par la partie civile, dont certains jamais réalisés).
Cette fois, l'action est étayée de témoignages
et de photos explicites mais la demande est déclarée
non recevable pour action tardive! |
(9) |
juin-2012
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Après
5 années d'expertise et 80 pages où le collège
de 4 experts relève les manquements accablants de
la prise en charge de François durant les 10 premières
heures de son admission, ces mêmes experts déposent
en juin 2012, 2 pages de conclusions où, sans aucune
motivation, ils blanchissent les 4 inculpés: tout
compte fait, tout médecin aurait agi de pareille
façon dans la même situation... L'art de guérir...
un art mineur? |
(10) |
avr-2013
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Le
parquet de NAMUR ne veut voir que les deux dernières
pages. Même volonté de la part du magistrat
qui préside en avril 2013 la chambre du conseil de
Namur et en arrive même à bafouer des principes
de droit, piétiner l'enseignement de la Cour de Cassation,
ré-écrire le déroulement des faits
pour blanchir les inculpés. |
(11) |
juin-2013
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La
famille de François interjetera appel devant la Chambre
des Mises en Accusation de Liège.
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(12) |
nov-2013
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En
dépit des bras salvateurs tendus par la justice aux
4 inculpés du dossier, le manque de professionnalisme
et le comportement fautif de l'orthopédiste (le "Dr.
A") seront stygmatisés par la chambre des mises
en accusation dans l'arrêt prononcé en novembre
2013. Celui-ci maintiendra cependant la décision
de non-lieu au motif que ces manquements n'auraient fait
"que" perdre une chance de survie, "qu'aggraver"
le risque de décès, donc rien à sanctionner
pénalement... En clair, au vu de la première
condamnation de cet orthopédiste en 1997 pour des
comportements inqualifiables sur une dame de 82 ans, la
Cour conforte ce médecin dans sa mise en danger de
patients en s'abstenant de toute poursuite. |
(13)
(14) |
mai-2014
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Le
recours en Cassation est rejeté…C'est donc
la fin d'une première étape. L'arrêt
de la chambre des mises en accusation est définitif,
mais un non-lieu est une mesure provisoire qui est toujours
susceptible d'être revue en fonction d'éléments
neufs apportés au dossier.
La
suite ...ci-dessous!
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(15)
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"Je l'irai visiter dans deux ou trois jours;
mais s'il mourait avant ce temps-là,
ne manquez pas de m'en donner avis,
car il n'est pas de la civilité qu'un médecin
visite un mort."
extrait de "Monsieur de Pourceaugnac" (1669),
I, 6, Premier médecin (Molière)
La suite
Les parents de François ont décidé
d’entamer une procédure en responsabilité
médicale devant un tribunal civil. Cette action sera
dirigée contre l’orthopédiste A et l’urgentiste
B ainsi que la clinique où François est décédé.
Rappelons que l’arrêt de la chambre
des mises en accusation de LIEGE avait confirmé la faute
de l’orthopédiste A, qualifiant de «manque
de professionnalisme » le fait de ne pas avoir été
ausculter François, le soir de l’accident. Ce que
les parents dénonçaient depuis 2007. Cependant,
la Cour faisait le constat qu’il n’y a rien au dossier
qui établissait le lien de causalité entre cette
faute et le décès de François. Et pour
cause puisque les Experts judiciaires après avoir relevé
des manquements accablants dans le chef des médecins
inculpés, avaient en deux pages et sans motivation retourné
leur veste pour conclure de manière particulièrement
laconique à « pas de réel manque de rigueur,
pas de réel manque de professionnalisme ». Plus
rien à reprocher. Ils n’avaient dès lors
pas envisagé la question d’un lien de causalité
entre une faute et le décès puisqu’ils ne
retenaient plus aucun manquement.
Dans un dossier où il y a mort d’homme, la Cour
aurait impérativement dû demander une expertise
complémentaire sur ce lien de causalité. Elle
préfèrait clore le débat, prononcer un
non-lieu en faveur de l’orthopédiste et passer
aux parents un message qu’ils ne peuvent accepter : «
ce médecin a eu un comportement fautif envers votre enfant
qui est mort mais on ne sait pas s’il y a un lien de causalité
entre cette faute et le décès et on ne souhaite
finalement pas le savoir ». Révoltant.
D’autant que le rapport du Pr BOXHO, médecin conseil
des parents de François, précisait que c’étaient
les négligences tant de l’urgentiste que de l’orthopédiste
qui étaient la cause du décès de François…
En mai 2016, l'action avait alors été
introduite devant le tribunal de première instance
de Namur et fixée pour plaideroiries.
Par jugement rendu le 21/09/2016 , le tribunal
de première instance de NAMUR, présidé
par la Juge Louise Gendebien, a rendu une décision très
surprenante: en constatant des fautes à charge des deux
médecins, le Tribunal décide qu’aucun expert
ne pourra décider d’un lien de causalité
entre les fautes et les suites médicales tragiques. Quand
on sait que le tribunal disposait du rapport du Professeur BOXHO
qui affirmait que « sans ces manquements, François
GOFFIN ne serait pas décédé », la
famille de François se pose à nouveau bien des
questions sur l’objectivité d’un tel jugement.
La famille y voit un nouveau refus de la justice namuroise de
prendre des sanctions à l'égard de certains "protégés"
avec, à la clé, une motivation révoltante
qui n' hésite pas à narguer les victimes.
Appel est donc interjeté par la famille Goffin et le
dossier se voit à nouveau plaidé en octobre 2018,
devant la Cour d’appel de LIEGE.
Par arrêt du 06/11/2018, au terme de près de 12
années de combat, la famille de François obtient
enfin que justice soit rendue : tant les médecins que
la clinique sont jugés responsables de fautes ayant fait
perdre à François des chances de survie. Le pourcentage
n’est pas encore tranché et devra faire l’objet
de débats.
La clinique Sainte Elisabeth de NAMUR n’a pas accepté
cette condamnation et a décidé d’introduire
un pourvoi en cassation. Pour les deux médecins, l’orthopédiste
A. et l’urgentiste B., l’arrêt est définitif
depuis le 12/11/2019.
Ce 18 février 2021, le pourvoi en cassation déposé
par la clinique Sainte Elisabeth vient d’être rejeté
: la clinique, du fait des mauvais soins de l’infirmier
S.T., est désormais déclarée autant responsable
que les deux médecins.
Bien des questions se posent concernant la justice pénale
qui a toujours refusé de reconnaître une quelconque
responsabilité médicale dans cette tragique affaire,
alors que la qualification de coups et blessures involontaires
est, à présent, bel et bien établie.
Les intervenants, juge d’instruction, substituts et magistrats
ayant siégé dans le volet pénal sont désavoués
et ne donnent pas une image très glorieuse de la protection
dont devrait pouvoir bénéficier la société.
Bien des questions se posent également
au sujet des experts judiciaires désignés dans
le volet pénal : ainsi on se rappellera qu’après
avoir épinglé des manquements accablants, ils
ont fait volte-face sans aucune motivation. La justice pénale
s’est cependant accrochée aveuglément à
ces quelques lignes de conclusions salvatrices pour les médecins
et la clinique.
A suivre donc !
- Pour relire tous les détails par
des articles de presse : La
Presse au sujet de Francois Goffin
- Pour lire l'article de Michel Bouffioux:
Le
voyage contesté d'un juge d'instruction
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